Auteur : EL James
Titre VF : Cinquante Nuances de Grey
Résumé
(4e de cover de la VF)
Romantique, libérateur et totalement
addictif, ce roman vous obsédera, vous possédera et vous marquera à jamais.
Lorsqu’Anastasia
Steele, étudiante en littérature, interviewe le richissime jeune chef
d’entreprise Christian Grey, elle le trouve très séduisant mais profondément
intimidant. Convaincue que leur rencontre a été désastreuse, elle tente de
l’oublier – jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille et
l’invite à un rendez-vous en tête-à-tête.
Naïve
et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il
la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son
trouble.
Mais
Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout
contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres
désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards
indiscrets.
Mon
avis
Lu
en VO
Quoi de mieux comme première critique du
blog que celle du roman dont TOUT le monde parle ? À moins que vous n’ayez
vécu sur la banquise ces derniers mois, vous ne pouvez être passé de ce livre
best-seller depuis quelques mois en langue française et depuis 2 ans en
anglais, sa langue d’origine.
Parce que oui, on assiste à un véritable
phénomène d’édition avec ce roman érotique à tendance BDSM. L’auteure a quand
même engrangé 71 millions d’euros à l’heure où j’écris ces lignes, sans compter
les 50 millions d’exemplaires vendus de par le monde : des chiffres vertigineux,
non ? Et je ne parle même pas des produits dérivés divers et du film qui
va bientôt sortir (août 2014 d’après ce que j’ai pu lire par-ci, par-là).
Mais voilà, comme tout best-seller qui se
respecte, ce livre à ses adorateurs et ses détracteurs. Et force est de
constater que jamais un livre n’aura autant créé la polémique quant à son
succès. Harry Potter, Twilight,… ainsi que tant d’autres
livres se sont vus à un moment démolis par la critique. Mais Fifty Shades et ses suites ont eu bien
pire : ils se sont littéralement fait incendier par les journalistes et
une part assez importante de la blogosphère. Le fait qu’il s’agisse d’une
fan-fiction de Twilight à la base a pesé dans la balance quant à sa légitimité.
Et pourtant… cela n’a pas empêché à ce
livre de se vendre comme des petits pains partout où il allait.
Comme beaucoup de gens, je l’ai d’abord
découvert en VO (en juin 2012 précisément), le voyant dans tous les rayons VO
des librairies où je passais. Il faut dire qu’il tape dans l’œil aussi :
la couverture sobre et élégante, le titre un peu mystérieux, je l’ai acheté sur
un coup de tête.
Oui, oui, vous avez bien lu : sur un
coup de tête. Le résumé, la couverture, le fait qu’il soit dans le top des
ventes… Cela a suffisamment titillé mon intérêt pour que je m’y plonge. Enfin,
il a fallu que la VF sorte pour que je m’y plonge en fait, les critiques que
j’avais lues m’ayant refroidi à l’ouvrir.
J’ai fini par le sortir de ma PAL et le
terminer et il y a quelques mois de cela. Et le résultat, c’est que je suis
plutôt… surpris. Ce livre est un petit plaisir coupable : je me suis
surpris à l’apprécier un minimum (je ne vais pas aller
jusqu’à l’encenser, faut pas pousser bobonne dans les orties hein) malgré ses défauts gros comme des
maisons et les nombreux soupirs que j’ai pu pousser dans ma lecture à cause des
personnages, du style ou des situations.
Trêve de bavardage, voilà ce que j’en ai
pensé ! (d’habitude, je m’amuse
pas à faire ce genre d’intro longue en pompeuse. Mais là, le roman s’y prête
bien, donc…).
Bon alors, commençons un peu par
l’histoire. Le résumé est suffisamment explicite, pas vraiment besoin de
rajouter des détails supplémentaires. Sinon qu’il ne faut pas s’attendre à
grand-chose de ce côté-là : il y a l’histoire d’amour (parce que c’est bien de cela qu’il s’agit en plus de la
relation charnelle entre Ana et Christian) et en prime le passé de Christian bien mystérieux, mais
c’est tout. Pas de complots économiques, de meurtres, etc…
C’est une romance en même temps, pas un romantic suspense ou un thriller me
direz-vous. Mais justement, cela cause un certain problème : le livre
repose UNIQUEMENT sur cette histoire et sur les deux personnages principaux (ben oui, les secondaires font vraiment de la figuration). Et on va pas se mentir : il y a
des longueurs dans cette love story,
sans compter le fait que les personnages ont autant de psychologie qu’un
neurone de Nabilla (bon, c’est caricatural,
mais c’est pour l’exemple).
On a ainsi un déroulement très
classique : Anastasia bave sur Christian pendant les quatre premiers
chapitres, il finisse par consommer, pendant les ¾ du bouquin on a le dilemme
d’Ana face au contrat (je signe ? je signe pas ?) et une fin… qui m’a
surpris, j’avoue.
Passons donc aux personnages
justement ! Et là, c’est un peu le drame.
Notre héroïne Anastasia Steele, jeune
étudiante en littérature, remporte la palme de l’héroïne la plus stupide que la
romance nous ait jamais pondue (et j’ai lu quelques
Barbara Cartland et des Harlequin pour voir de quoi il en retournait en 2011,
je peux vous dire que je sais de quoi je parle). Notre jeune vierge effarouchée de 22 ans
est d’une naïveté qui fait vraiment très peur par moments (nan mais attends, Christian lui a sauvé la vie… il l’a
écartée du chemin d’un vélo ! Un vélo, vous rendez-vous compte ?).
Je pense notamment à la réplique
cultissime du « On va jouer à la Xbox ? » lorsque Christian lui
dit qu’ils vont aller dans sa salle de jeu (affligeant,
non ?). Encore
une : « Je lèche ma sucette au parfum préféré, celle au parfum
Christian Grey » (je crois que pas besoin
d’explication quant à la fameuse sucette).
Outre le fait qu’Ana soit stupide, elle
possède également de sales tendances très agaçantes : elle se mord la
lèvre (ou la caresse, cela dépend de son humeur), parle à sa déesse intérieure et sa
conscience, rougit 5 fois sur une page et nous bassine de sempiternels
« holy shit », « holy crap », « oh my… » et j’en
passe. J’aborderai le cas des répétitions plus tard, quand je parlerai de la
plume d’EL James.
Donc, outre le fait que je me demande comment
Ana ne termine pas à la fin du livre avec les lèvres gercées à force de les
mordre ou de les caresser (surtout que notre cher Christian insiste tout le temps sur
le fait que ça l’excite qu’elle le fasse. Non, mais vous vous êtres déjà mordu
la lèvre et regardé dans le miroir ? Essayez, vous allez voir l’air débile
que cela donne :-p) Ana
parle à sa conscience et sa déesse intérieure.
Oui, oui, vous avez bien lu : elle
parle à sa conscience et sa… déesse intérieure. Et EL James nous bassine
continuellement avec cette « inner goddess ».
En soi, ce n’est pas tout à fait étrange
comme concept : on s’est tous sans exception (oui, oui,
on ne ment pas !)
parlé à soi-même à un moment ou un autre. Mais là… cela frôle le ridicule. Non,
ça ne frôle pas le ridicule : ça l’est.
Parce qu’Ana ne s’imagine pas que parler
avec sa conscience et cette fameuse déesse : elles ont une forme physique.
Notre cruch… héroïne voit en effet sa conscience d’un côté qui est prude et
chaste et fronce les sourcils (oui, chez EL James, les
personnages aiment froncer des sourcils : c’est une répétition constante) et de l’autre, sa déesse qui est, elle,
une pure chaudasse. En effet, cette entité se pâme d’admiration devant
Christian, danse la samba quand il est nu (si, si, je vous jure) ou fait la roue autour d’un stade.
C’est proprement idiot, on est tout à
fait d’accord là-dessus. Pourtant, malgré la débilité de ce concept, c’est très
drôle tellement c’est absurde (si, si, lisez-le pour
vous en rendre compte. Je pense notamment à la scène ou Ana voit sa conscience
qui fait semblant de rien et sa déesse qui lui lance des regards noirs). Même si on peut quand même se poser
quelques questions par rapport à la santé psychique du personnage, Ana est
d’une banalité effrayante : maladroite, brune, pas très jolie (selon elle seulement ! tous les mâles du récit ou
presque lui courent après… Bella Swan sort de ce corps !). Sérieusement, elle n’a aucune teneur
psychologique, pas vraiment de passé, pas non plus un caractère à casser trois
pattes à un canard…
Même son de cloche du côté de the mâle
alpha du récit, le beau, l’unique, Christian Grey ? Il est un chouia plus
développé (mais juste un chouia, hein).
Passons le fait qu’il soit
multimillionnaire à 27 ans, beau (mais du genre vraiment
beau, carrément beau même, trop beau pour être vrai : si j’insiste
sur ce point c’est parce qu’Ana/EL James passe son temps à insister sur sa
beauté pendant tout le bouquin… Stephenie Meyer, sort de ce corps !) ténébreux et plein de secrets (alimentons encore le cliché *dit
celui qui use et abuse dans ses écrits de métaphores du style « ses yeux
bleus comme l’océan », « son regard dur et froid »… que
voulez-vous, j’aime la romance et les clichés ont la vie dure*), control-freak sur les bords, et puis…
super beau, méga riche… et aussi trop beau… et riche.
Vous l’aurez compris, l’auteure passe son
temps à nous rappeler que Christian est magnifique, qu’il a plein d’argent,
qu’il est dangereux, mais ô combien attirant… bref, l’alpha type de la romance,
rien de plus, rien de moins.
Cependant, il a un petit secret bien
caché ce coquin de Christian : il pratique le BDSM et aimerait initier
Anastasia en tant que sa soumise…
Je vais pouvoir ainsi amorcer le point
suivant, celui qui intéresse tout le monde : cette fameuse relation
“torride et sulfureuse“ (notez bien les
guillemets) :
traduction, ça va parler de sexe et de guimauve.
Donc, Christian, comme je le disais un
peu plus haut, est un pratiquant du BDSM. Et quand je dis pratiquant, c’est pas
de la blague : il a une « Red Room of Pain » comme dirait
Anastasia (comprenez : un donjon dans le milieu SM).
De plus, il donne carrément un contrat à
signer à notre chère et prude Anastasia : 10 pages du bouquin présentées
comme un véritable contrat entre un associé et un employeur, ou avec une banque
et son client. Ce fameux dossier est l’un des points les plus intéressants du
roman (oui, oui, il y en a) : cela témoigne d’un aspect assez
réglementé du SM (bien que cela ne se fasse pas forcément de façon écrite) et
en plus, cela permettra de développer une intrigue un peu plus psychologique
concernant Ana.
À partir de ce moment en effet, la
relation commence véritablement pour nos deux tourtereaux : il y a un
véritable jeu entre eux, une curiosité du lecteur (va-t-elle signer ? que
va-t-elle accepter de faire ?) et cela contribue à tourner les pages, voir
comment l’auteure va traiter le sujet. Malheureusement, alors que cela pouvait
donner quelque chose d’un peu intéressant, EL James prend le parti de faire du
SM une pratique guimauve, servant seulement d’un simple prétexte pour
rapprocher nos deux tourtereaux et donner un côté sombre à Christian.
Parce que niveau sexe, on est lésé :
il y en a beaucoup, vraiment beaucoup, mais il est niais et pas forcément
excitant (1 ou 2 scènes sont efficaces, mais sans
plus). Dès que l’on
rentre dans le SM, les scènes se comptent sur les doigts d’une main et on va
juste à la fessée et à l’attachement des mains, point barre.
Bon, et sans le SM alors ? C’est
ridicule, pas bien écrit et pas excitant pour un sou (parfois ça fonctionne, mais c’est très rare). Les scènes sont affreusement
répétitives, pas super originales et totalement boiteuses à cause d’Ana qui se
tape 5 orgasmes fulgurants à chaque fois qu’elle couche, Christian qui passe
son temps à lui dire des « Ta peau est magnifique Anastasia »,
« Je vais te toucher là Anastasia », et les réflexions d’Ana dénuées de
sens et d’intérêt : « Putain qu’il est sexy », « Bon sang
que c’est érotique ».
J’ai beaucoup de mal à comprendre le fait
que l’on puisse se sentir titillé et excité quand on lit ce roman. Surtout
lorsque l’on sait qu’il a causé un baby-boom aux USA (on appelle même ça des
“Fifty Shades Baby“). À croire que les Américaines ne savent pas ce que c’est
qu’une scène de sexe dans un roman.
Mais le plus aberrant, est sans nul doute Ana, vierge, qui se
transforme en un instant en maitresse diplômée avec mention (surtout pour l’oral selon Cricri d’amour) du Kâma-Sûtra. On assiste en effet à la
première fellation d’Ana qu’elle réussit parfaitement, faisant grimper son
Christian aux rideaux (comme
tout le monde le sait, la fellation se fait doigts dans le nez) ou encore à son excitation sans pareille.
Cela ne colle absolument pas au personnage qu’EL James a voulu nous présenter,
sans compter que cela se passe dès le début, sans une certaine gradation.
Les personnages secondaires quant à eux
sont très anecdotiques et caricaturaux : on a Kate, la meilleure amie
curieuse et mêle-tout d’Ana (qui m’a furieusement
fait penser à Alice) ;
José, l’ami photographe d’Ana qui veut lui sauter dessus (Jacob, sort de ce corps !)… et après, je ne sais plus. A ma
décharge, ils sont tellement peu détaillés et transparents qu’on les oublie
très facilement.
Il est temps maintenant d’aborder le
point qui fâche le plus, celui que l’on trouve sur quasiment toutes les
chroniques : le style d’EL James.
Profonde d’inspiration : ça va être
long. 3, 2, 1 : Let’s go !
Le style d’EL James est simple… plutôt
simpliste en fait. Le vocabulaire ressemble bien plus à celui d’un ado de 15
ans que celui d’une femme de 50. Point de tournures complexes, de mots
inconnus : cela donne une fluidité au récit, ça se lit sans aucun accroc (sauf dans le cas de la VF sur laquelle j’ai jeté un
œil : c’est lourd et vulgaire, chose n’apparaissant pas spécialement en
VO. Je sais qu’on ne fait pas d’un âne un étalon, mais la VF n’est franchement
pas terrible… seul point positif, la suppression de certaines répétitions).
Il y a un cependant un point noir (ou plutôt une ignoble pustule sombre et suintante dans ce
cas-ci) : les
répétitions. Je parle dans le cas de la VO ici, la VF en ayant supprimé une
partie.
On va toucher donc un point sensible dans
le personnage d’Anastasia : pour une étudiante en littérature, elle
possède un vocabulaire affligeant qu’elle répète à l’infini (n’oublions pas que le récit est raconté de son point de vue
*je pourrais pousser le vice et dire
que c’est en focalisation interne, avec un narrateur homodiégétique et en
narration simultanée… vive les cours d’auteurs contemporains !*).
Notre narratrice balance
ainsi au moins deux fois par pages : « Holy shit », « holy
crap » (ou crap tout seul parfois), « holy cow » et « holy
fuck ». Rajoutons à cela aussi les « Oh my… », les « I
blush/flush » et enfin « I bite my lips ».
Certains se sont amusés à compter le
nombre de fois qu’Anastasia répète ces expressions : je n’en ai pas
franchement eu la patience, simplement qu’il est parfois désespérant de les
voir parfois 10 fois sur une page.
Dans le style, « je remets la même
chose à chaque fois » : Christian répète systématiquement le prénom
de notre héroïne, ou alors « Miss », ou « Miss Steele »,
voire même « Don’t bite your lips Anastasia ».
Sans oublier que l’auteure nous bassine
avec la même référence littéraire durant tout le bouquin : « Tess
d’Urberville » de Thomas Hardy. Alors là, je peux vous assurer que ce
roman m’est sorti par les trous de nez à la fin du bouquin : Ana n’a que
cette seule référence littéraire : vous trouvez ça pour une étudiante en
littérature ? (je parie que même Paris
Hilton connaît plus de livres qu’Ana).
Je crois avoir exposé tous les points du
livre (de toute façon, il faut quand même que vous
ayez un effet de surprise !) : qu’en ai-je pensé ?
Cela peut surprendre, mais j’ai apprécié
le roman. J’ai été pris au jeu, je voulais savoir où tout cela allait mener. Et
puis, ça m’a bien fait rire.
Cependant, je n’ai pas été en mesure
d’adorer ce roman, et je ne suis pas de ceux qui l’encensent : un style
boiteux, des personnages débiles, une histoire niaise…
J’avoue ne pas comprendre l’engouement ni
sa réputation sulfureuse : c’est un Harlequin un peu plus épicé, rien de
plus, rien de moins.
Et pourtant… c’est une lecture détente.
Et je peux vous assurer que lire ça après avoir eu une sale journée et mettre
son cerveau sur « off », ça fait un bien fou.
Certains l’adorent, d’autres le
détestent : je fais partie de ceux qui ont éprouvé un certain plaisir à la
lecture, mais qui reconnaît ses défauts et le descend en douceur.
Je ne le conseille pas spécialement, je ne
le fais pas éviter à tout prix non plus : mon seul commentaire serait
« Faites-vous votre avis ».
Ma note : 12/20
Note 1 : Toutes les citations en
français viennent de la VF.
Note 2 : Mes prochaines chroniques ne seront
certainement pas aussi longues et dans ce style.