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dimanche 1 septembre 2013

"Fifty Shades, tome 1 : Fifty Shades of Grey"



Auteur : EL James
Titre VF : Cinquante Nuances de Grey



Résumé (4e de cover de la VF)

Romantique, libérateur et totalement addictif, ce roman vous obsédera, vous possédera et vous marquera à jamais.

Lorsqu’Anastasia Steele, étudiante en littérature, interviewe le richissime jeune chef d’entreprise Christian Grey, elle le trouve très séduisant mais profondément intimidant. Convaincue que leur rencontre a été désastreuse, elle tente de l’oublier – jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille et l’invite à un rendez-vous en tête-à-tête. 

Naïve et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son trouble. 

Mais Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards indiscrets.

Mon avis

Lu en VO

Quoi de mieux comme première critique du blog que celle du roman dont TOUT le monde parle ? À moins que vous n’ayez vécu sur la banquise ces derniers mois, vous ne pouvez être passé de ce livre best-seller depuis quelques mois en langue française et depuis 2 ans en anglais, sa langue d’origine.
Parce que oui, on assiste à un véritable phénomène d’édition avec ce roman érotique à tendance BDSM. L’auteure a quand même engrangé 71 millions d’euros à l’heure où j’écris ces lignes, sans compter les 50 millions d’exemplaires vendus de par le monde : des chiffres vertigineux, non ? Et je ne parle même pas des produits dérivés divers et du film qui va bientôt sortir (août 2014 d’après ce que j’ai pu lire par-ci, par-là).

Mais voilà, comme tout best-seller qui se respecte, ce livre à ses adorateurs et ses détracteurs. Et force est de constater que jamais un livre n’aura autant créé la polémique quant à son succès. Harry Potter, Twilight,… ainsi que tant d’autres livres se sont vus à un moment démolis par la critique. Mais Fifty Shades et ses suites ont eu bien pire : ils se sont littéralement fait incendier par les journalistes et une part assez importante de la blogosphère. Le fait qu’il s’agisse d’une fan-fiction de Twilight à la base a pesé dans la balance quant à sa légitimité.
Et pourtant… cela n’a pas empêché à ce livre de se vendre comme des petits pains partout où il allait.

Comme beaucoup de gens, je l’ai d’abord découvert en VO (en juin 2012 précisément), le voyant dans tous les rayons VO des librairies où je passais. Il faut dire qu’il tape dans l’œil aussi : la couverture sobre et élégante, le titre un peu mystérieux, je l’ai acheté sur un coup de tête.
Oui, oui, vous avez bien lu : sur un coup de tête. Le résumé, la couverture, le fait qu’il soit dans le top des ventes… Cela a suffisamment titillé mon intérêt pour que je m’y plonge. Enfin, il a fallu que la VF sorte pour que je m’y plonge en fait, les critiques que j’avais lues m’ayant refroidi à l’ouvrir.
J’ai fini par le sortir de ma PAL et le terminer et il y a quelques mois de cela. Et le résultat, c’est que je suis plutôt… surpris. Ce livre est un petit plaisir coupable : je me suis surpris à l’apprécier un minimum (je ne vais pas aller jusqu’à l’encenser, faut pas pousser bobonne dans les orties hein) malgré ses défauts gros comme des maisons et les nombreux soupirs que j’ai pu pousser dans ma lecture à cause des personnages, du style ou des situations.
Trêve de bavardage, voilà ce que j’en ai pensé ! (d’habitude, je m’amuse pas à faire ce genre d’intro longue en pompeuse. Mais là, le roman s’y prête bien, donc…).

Bon alors, commençons un peu par l’histoire. Le résumé est suffisamment explicite, pas vraiment besoin de rajouter des détails supplémentaires. Sinon qu’il ne faut pas s’attendre à grand-chose de ce côté-là : il y a l’histoire d’amour (parce que c’est bien de cela qu’il s’agit en plus de la relation charnelle entre Ana et Christian) et en prime le passé de Christian bien mystérieux, mais c’est tout. Pas de complots économiques, de meurtres, etc…
C’est une romance en même temps, pas un romantic suspense ou un thriller me direz-vous. Mais justement, cela cause un certain problème : le livre repose UNIQUEMENT sur cette histoire et sur les deux personnages principaux (ben oui, les secondaires font vraiment de la figuration). Et on va pas se mentir : il y a des longueurs dans cette love story, sans compter le fait que les personnages ont autant de psychologie qu’un neurone de Nabilla (bon, c’est caricatural, mais c’est pour l’exemple).
On a ainsi un déroulement très classique : Anastasia bave sur Christian pendant les quatre premiers chapitres, il finisse par consommer, pendant les ¾ du bouquin on a le dilemme d’Ana face au contrat (je signe ? je signe pas ?) et une fin… qui m’a surpris, j’avoue.

Passons donc aux personnages justement ! Et là, c’est un peu le drame.

Notre héroïne Anastasia Steele, jeune étudiante en littérature, remporte la palme de l’héroïne la plus stupide que la romance nous ait jamais pondue (et j’ai lu quelques Barbara Cartland et des Harlequin pour voir de quoi il en retournait en 2011, je peux vous dire que je sais de quoi je parle). Notre jeune vierge effarouchée de 22 ans est d’une naïveté qui fait vraiment très peur par moments (nan mais attends, Christian lui a sauvé la vie… il l’a écartée du chemin d’un vélo ! Un vélo, vous rendez-vous compte ?).
Je pense notamment à la réplique cultissime du « On va jouer à la Xbox ? » lorsque Christian lui dit qu’ils vont aller dans sa salle de jeu (affligeant, non ?). Encore une : « Je lèche ma sucette au parfum préféré, celle au parfum Christian Grey » (je crois que pas besoin d’explication quant à la fameuse sucette).
Outre le fait qu’Ana soit stupide, elle possède également de sales tendances très agaçantes : elle se mord la lèvre (ou la caresse, cela dépend de son humeur), parle à sa déesse intérieure et sa conscience, rougit 5 fois sur une page et nous bassine de sempiternels « holy shit », « holy crap », « oh my… » et j’en passe. J’aborderai le cas des répétitions plus tard, quand je parlerai de la plume d’EL James.
Donc, outre le fait que je me demande comment Ana ne termine pas à la fin du livre avec les lèvres gercées à force de les mordre ou de les caresser (surtout que notre cher Christian insiste tout le temps sur le fait que ça l’excite qu’elle le fasse. Non, mais vous vous êtres déjà mordu la lèvre et regardé dans le miroir ? Essayez, vous allez voir l’air débile que cela donne :-p) Ana parle à sa conscience et sa déesse intérieure.
Oui, oui, vous avez bien lu : elle parle à sa conscience et sa… déesse intérieure. Et EL James nous bassine continuellement avec cette « inner goddess ».
En soi, ce n’est pas tout à fait étrange comme concept : on s’est tous sans exception (oui, oui, on ne ment pas !) parlé à soi-même à un moment ou un autre. Mais là… cela frôle le ridicule. Non, ça ne frôle pas le ridicule : ça l’est.
Parce qu’Ana ne s’imagine pas que parler avec sa conscience et cette fameuse déesse : elles ont une forme physique. Notre cruch… héroïne voit en effet sa conscience d’un côté qui est prude et chaste et fronce les sourcils (oui, chez EL James, les personnages aiment froncer des sourcils : c’est une répétition constante) et de l’autre, sa déesse qui est, elle, une pure chaudasse. En effet, cette entité se pâme d’admiration devant Christian, danse la samba quand il est nu (si, si, je vous jure) ou fait la roue autour d’un stade.
C’est proprement idiot, on est tout à fait d’accord là-dessus. Pourtant, malgré la débilité de ce concept, c’est très drôle tellement c’est absurde (si, si, lisez-le pour vous en rendre compte. Je pense notamment à la scène ou Ana voit sa conscience qui fait semblant de rien et sa déesse qui lui lance des regards noirs). Même si on peut quand même se poser quelques questions par rapport à la santé psychique du personnage, Ana est d’une banalité effrayante : maladroite, brune, pas très jolie (selon elle seulement ! tous les mâles du récit ou presque lui courent après… Bella Swan sort de ce corps !). Sérieusement, elle n’a aucune teneur psychologique, pas vraiment de passé, pas non plus un caractère à casser trois pattes à un canard…

Même son de cloche du côté de the mâle alpha du récit, le beau, l’unique, Christian Grey ? Il est un chouia plus développé (mais juste un chouia, hein).
Passons le fait qu’il soit multimillionnaire à 27 ans, beau (mais du genre vraiment beau, carrément beau même, trop beau pour être vrai : si j’insiste sur ce point c’est parce qu’Ana/EL James passe son temps à insister sur sa beauté pendant tout le bouquin… Stephenie Meyer, sort de ce corps !) ténébreux et plein de secrets (alimentons encore le cliché *dit celui qui use et abuse dans ses écrits de métaphores du style « ses yeux bleus comme l’océan », « son regard dur et froid »… que voulez-vous, j’aime la romance et les clichés ont la vie dure*), control-freak sur les bords, et puis… super beau, méga riche… et aussi trop beau… et riche.
Vous l’aurez compris, l’auteure passe son temps à nous rappeler que Christian est magnifique, qu’il a plein d’argent, qu’il est dangereux, mais ô combien attirant… bref, l’alpha type de la romance, rien de plus, rien de moins.
Cependant, il a un petit secret bien caché ce coquin de Christian : il pratique le BDSM et aimerait initier Anastasia en tant que sa soumise…

Je vais pouvoir ainsi amorcer le point suivant, celui qui intéresse tout le monde : cette fameuse relation “torride et sulfureuse“ (notez bien les guillemets) : traduction, ça va parler de sexe et de guimauve.
Donc, Christian, comme je le disais un peu plus haut, est un pratiquant du BDSM. Et quand je dis pratiquant, c’est pas de la blague : il a une « Red Room of Pain » comme dirait Anastasia (comprenez : un donjon dans le milieu SM).
De plus, il donne carrément un contrat à signer à notre chère et prude Anastasia : 10 pages du bouquin présentées comme un véritable contrat entre un associé et un employeur, ou avec une banque et son client. Ce fameux dossier est l’un des points les plus intéressants du roman (oui, oui, il y en a) : cela témoigne d’un aspect assez réglementé du SM (bien que cela ne se fasse pas forcément de façon écrite) et en plus, cela permettra de développer une intrigue un peu plus psychologique concernant Ana.
À partir de ce moment en effet, la relation commence véritablement pour nos deux tourtereaux : il y a un véritable jeu entre eux, une curiosité du lecteur (va-t-elle signer ? que va-t-elle accepter de faire ?) et cela contribue à tourner les pages, voir comment l’auteure va traiter le sujet. Malheureusement, alors que cela pouvait donner quelque chose d’un peu intéressant, EL James prend le parti de faire du SM une pratique guimauve, servant seulement d’un simple prétexte pour rapprocher nos deux tourtereaux et donner un côté sombre à Christian.
Parce que niveau sexe, on est lésé : il y en a beaucoup, vraiment beaucoup, mais il est niais et pas forcément excitant (1 ou 2 scènes sont efficaces, mais sans plus). Dès que l’on rentre dans le SM, les scènes se comptent sur les doigts d’une main et on va juste à la fessée et à l’attachement des mains, point barre.
Bon, et sans le SM alors ? C’est ridicule, pas bien écrit et pas excitant pour un sou (parfois ça fonctionne, mais c’est très rare). Les scènes sont affreusement répétitives, pas super originales et totalement boiteuses à cause d’Ana qui se tape 5 orgasmes fulgurants à chaque fois qu’elle couche, Christian qui passe son temps à lui dire des « Ta peau est magnifique Anastasia », « Je vais te toucher là Anastasia », et les réflexions d’Ana dénuées de sens et d’intérêt : « Putain qu’il est sexy », « Bon sang que c’est érotique ».
J’ai beaucoup de mal à comprendre le fait que l’on puisse se sentir titillé et excité quand on lit ce roman. Surtout lorsque l’on sait qu’il a causé un baby-boom aux USA (on appelle même ça des “Fifty Shades Baby“). À croire que les Américaines ne savent pas ce que c’est qu’une scène de sexe dans un roman.
Mais le plus aberrant,  est sans nul doute Ana, vierge, qui se transforme en un instant en maitresse diplômée avec mention (surtout pour l’oral selon Cricri d’amour) du Kâma-Sûtra. On assiste en effet à la première fellation d’Ana qu’elle réussit parfaitement, faisant grimper son Christian aux rideaux (comme tout le monde le sait, la fellation se fait doigts dans le nez) ou encore à son excitation sans pareille. Cela ne colle absolument pas au personnage qu’EL James a voulu nous présenter, sans compter que cela se passe dès le début, sans une certaine gradation.

Les personnages secondaires quant à eux sont très anecdotiques et caricaturaux : on a Kate, la meilleure amie curieuse et mêle-tout d’Ana (qui m’a furieusement fait penser à Alice) ; José, l’ami photographe d’Ana qui veut lui sauter dessus (Jacob, sort de ce corps !)… et après, je ne sais plus. A ma décharge, ils sont tellement peu détaillés et transparents qu’on les oublie très facilement.

Il est temps maintenant d’aborder le point qui fâche le plus, celui que l’on trouve sur quasiment toutes les chroniques : le style d’EL James.
Profonde d’inspiration : ça va être long. 3, 2, 1 : Let’s go !
Le style d’EL James est simple… plutôt simpliste en fait. Le vocabulaire ressemble bien plus à celui d’un ado de 15 ans que celui d’une femme de 50. Point de tournures complexes, de mots inconnus : cela donne une fluidité au récit, ça se lit sans aucun accroc (sauf dans le cas de la VF sur laquelle j’ai jeté un œil : c’est lourd et vulgaire, chose n’apparaissant pas spécialement en VO. Je sais qu’on ne fait pas d’un âne un étalon, mais la VF n’est franchement pas terrible… seul point positif, la suppression de certaines répétitions).
Il y a un cependant un point noir (ou plutôt une ignoble pustule sombre et suintante dans ce cas-ci) : les répétitions. Je parle dans le cas de la VO ici, la VF en ayant supprimé une partie.
On va toucher donc un point sensible dans le personnage d’Anastasia : pour une étudiante en littérature, elle possède un vocabulaire affligeant qu’elle répète à l’infini (n’oublions pas que le récit est raconté de son point de vue *je pourrais pousser le vice et dire que c’est en focalisation interne, avec un narrateur homodiégétique et en narration simultanée… vive les cours d’auteurs contemporains !*). Notre narratrice balance ainsi au moins deux fois par pages : « Holy shit », « holy crap » (ou crap tout seul parfois), « holy cow » et « holy fuck ». Rajoutons à cela aussi les « Oh my… », les « I blush/flush » et enfin « I bite my lips ».
Certains se sont amusés à compter le nombre de fois qu’Anastasia répète ces expressions : je n’en ai pas franchement eu la patience, simplement qu’il est parfois désespérant de les voir parfois 10 fois sur une page.
Dans le style, « je remets la même chose à chaque fois » : Christian répète systématiquement le prénom de notre héroïne, ou alors « Miss », ou « Miss Steele », voire même « Don’t bite your lips Anastasia ».
Sans oublier que l’auteure nous bassine avec la même référence littéraire durant tout le bouquin : « Tess d’Urberville » de Thomas Hardy. Alors là, je peux vous assurer que ce roman m’est sorti par les trous de nez à la fin du bouquin : Ana n’a que cette seule référence littéraire : vous trouvez ça pour une étudiante en littérature ? (je parie que même Paris Hilton connaît plus de livres qu’Ana).

Je crois avoir exposé tous les points du livre (de toute façon, il faut quand même que vous ayez un effet de surprise !) : qu’en ai-je pensé ?
Cela peut surprendre, mais j’ai apprécié le roman. J’ai été pris au jeu, je voulais savoir où tout cela allait mener. Et puis, ça m’a bien fait rire.
Cependant, je n’ai pas été en mesure d’adorer ce roman, et je ne suis pas de ceux qui l’encensent : un style boiteux, des personnages débiles, une histoire niaise…
J’avoue ne pas comprendre l’engouement ni sa réputation sulfureuse : c’est un Harlequin un peu plus épicé, rien de plus, rien de moins.
Et pourtant… c’est une lecture détente. Et je peux vous assurer que lire ça après avoir eu une sale journée et mettre son cerveau sur « off », ça fait un bien fou.
Certains l’adorent, d’autres le détestent : je fais partie de ceux qui ont éprouvé un certain plaisir à la lecture, mais qui reconnaît ses défauts et le descend en douceur.
Je ne le conseille pas spécialement, je ne le fais pas éviter à tout prix non plus : mon seul commentaire serait « Faites-vous votre avis ».

Ma note : 12/20


Note 1 : Toutes les citations en français viennent de la VF.
Note 2 : Mes prochaines chroniques ne seront certainement pas aussi longues et dans ce style.

5 commentaires:

  1. J'adore mon Robinou! c'est juste génial :) !

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  2. J'aime beaucoup ton blog Robin! :-)
    Bonne continuation!

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  3. Chronique très amusante à lire. :P
    Je n'ai personnellement pas aimé du tout ce livre mais il y a pas mal de "défauts" pointés sur lesquels je suis d'accord.
    Je l'ai lu en VF sans jeter un coup d'oeil à la VO. La traductrice a troqué les répétitions pour "Baiser" à toutes les pages :P
    La lecture de cette chronique m'a beaucoup amusée en tout cas ^^ (dans le bon sens ;))
    Bonne continuation !

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